La marée : « Bonjour Monsieur, est-ce qu’il y a assez d’eau pour se baigner ? »

La marée : « Bonjour Monsieur, est-ce qu’il y a assez d’eau pour se baigner ? »

Je pourrais disserter des heures sur la marée.

Sur ce moment qui désarçonne ceux qui ignorent (car il y en a) que la mer, la mienne en tous cas, la Manche, monte et descend. Et remonte. Et redescend. Sur le mouvement précis et cadencé, quotidien de la mer qui suit son parcours et finit par encercler l’imprudent(e) qui n’y a pas pris garde. Sur le changement de paysage, de couleur, d’odeur de la même plage, à marée basse et à marée haute. Chaque jour.

Mais il y a aussi des histoires. En voici une, réelle :
Un jour que je lisais face à la mer, à demi retirée, une dame s’approcha : « Bonjour monsieur, il y a assez d’eau pour se baigner ? ». Peu importe ma réponse. La question se suffit à elle-même pour dire combien la marée peut troubler les esprits.

 

La photo est un cadeau.

 

 

Guy Birenbaum

Guy Birenbaum : La vie est une plage

Guy Birenbaum : La vie est une plage

 » – L’ami : Tu l’as connu où Guy Birenbaum ? 

– Forme Libre : Sur la Plage.

– L’ami : Mais il fait quoi maintenant Guy ? 

– Forme Libre : Des photos. 

– L’ami: Et ? 

– Forme Libre : Life is a beach. « 

Like Martin Parr said …

Forme Libre

© Crédit Photo : Guy Birenbaum . aux éditions Villa Gypsy

Guy ou l’épicier réformé

Guy ou l’épicier réformé

 » Où as-tu rencontré Guy Birenbaum » 

« Sur la plage »

« Et? »

« Life is a Beach »

Forme Libre

Guy ou l’épicier réformé.

« Si tu étais un pays…Tu serais…

La France car je suis très casanier. Je voyage très peu. Physiquement du moins, il faut une remorque pour me bouger ; ou ma femme et mes filles. Donc s’agissant d’un pays, la France mais si tu me demandes quelle ville je serais, je serais Londres.

Pour des raisons que j’ignore, je m’y suis toujours senti comme chez moi. J’aime Picadilly, sa lumière, son électricité, son rythme. J’avais acheté le premier 45 tours des Sex Pistols à sa sortie, là-bas et puis il y a ce magasin que j’adore : Lillywhites ! Tu vois ? Ce shop de 6 ou 7 étages dédié au sport où tu trouves absolument TOUS les maillots de TOUTES les équipes. Trainer mes filles et ma femme au dernier étage de ce magasin est la première chose que je fais systématiquement en arrivant à Londres et je chine des vieux maillots dans les bacs à fripes. Ce magasin représente Londres en fait à mes yeux.

Je ne sais pas tellement expliquer mon attachement à cette ville … c’est plus instinctif qu’autre chose. J’ai dû être un Beatles, dans une autre vie !

« Si tu étais un Animal…Tu serais…

Le chien. Le mien … je te réponds cela très spontanément et naturellement parce qu’il est mon camarade du quotidien, nous avons un rapport très proche.

J’aimerais bien être un chien. On te donne à manger, on te sort, tu peux courir sur la plage, te baigner, donner des coups de dents quand on t’ennuie un peu trop. C’est plutôt sympa une vie de chien.

Mais j’ai été un peu chien dans un sens différent. J’ai été rude et dur dans le travail. C’est tellement naturel de dire du mal. En tout cas, c’est plus facile que de dire du bien, et puis dans mon métier c’est ce qui fonctionne, c’est ce qui buzze, parce que ça fait écho à la peur en tout un chacun. J’ai donc été une machine à clics faite pour claquer, j’avais pour habitude de me décrire en disant que j’étais en Teflon, fait pour cogner. Je donnais des coups de dents et des coups de latte. J’en ai reçus des coups, aussi. Notamment en 2003, lorsque j’ai écrit « Nos Délits d’initié ». Je pensais que cela ne m’atteignait pas. D’ailleurs, je pensais que rien ne m’atteignait. J’étais le plus fort, le plus costaud. Celui qui avait le micro, celui à qui on le donnait, à qui on demandait son avis sur tout et sur du rien ! Tout était du caviar et je surfais sur la vague. De toute façon, je me sentais comme un passager clandestin. J’ai compris après pourquoi j’avais ce sentiment … mais pour faire simple, comme je n’aurais pas dû naître (ma mère n’aurait pas dû survivre aux deux ans entre 1942 et 1944) tout était du luxe, du caviar, du plus. Alors, j’étais un kamikaze et j’adorais ça. Tout allait bien ! Très bien. Je parlais, j’écrivais… Alors que j’étais devenu éditeur et, alors même, qu’en principe on ne voit pas beaucoup les éditeurs, j’étais l’éditeur qu’on invitait pour parler de ses auteurs. J’avais la parole, je donnais la parole, je tenais la parole avec une arrogance assez démente quand je la regarde a posteriori…

« L’horizon dans la gueule » © Guy Birenbaum.

J’en étais même arrivé à un stade où je sciais les branches sur lesquelles je m’étais perché. J’avais le chic pour me faire virer. Comme lorsque j’étais chroniqueur au Grand Journal sur Canal Plus et que j’ai fait le choix d’éditer un bouquin sur un ancien de la DGSE (Pierre Martinet) qui avait espionné les vedettes de Canal (les Guignols, notamment) pour la direction de l’époque de la chaîne … Je les avais prévenus que ça allait swinguer … au final c’est moi qui ait valdingué. Enfin … on m’a demandé de prendre un peu de recul et de distances en me disant « on te rappelle une fois les choses calmées  » … apparemment depuis 2005 il n’y a pas eu d’accalmie ! Mais ça n’était pas grave. Je me faisais virer et puis je recommençais ailleurs. Une sorte de kamikaze ! Il y a quelque chose, un fil continu entre l’interruption brutale et moi.

Jusqu’au jour où, sans que je ne comprenne pourquoi, après une première grosse crise en 2014, j’ai totalement perdu l’envie. C’était en 2017. Le format était pourtant parfait, la situation était rêvée : je bossais avec mon pote Bruce Toussaint et ma « sœur » de toujours, la directrice de l’antenne de France Info, Laurence Jousserandot. Mon ami Laurent Guimier était alors numéro deux de Radio France. Tout était parfait… et pourtant je me suis écroulé une deuxième fois. Tout ça n’avait plus de sens.

« Si tu étais un Mot…Tu serais…

Révolution.

Parce qu’on le comprend tout de suite…

Une révolution ce n’est pas forcément violent, ce peut être doux et cela laisse l’opportunité de tout changer.
Ce peut-être un chemin.
Je pourrais être autre chose que ce que je suis. D’ailleurs, n’est-ce pas ce que j’ai fait ? Ma Révolution.

« Si tu étais une Couleur…Tu serais…

Le bleu. Le bleu marin.

« Si tu étais une Plante…Tu serais…

Un arbre à fruits rouges parce que littéralement je suis un arbre à fruits rouges. « Birenbaum » signifie arbre à baies rouges. Dit ainsi et de ma part cela pourrait sonner très communiste ! 
Je ne suis pas particulièrement attaché à mon nom mais il est celui de mes parents, en cela j’y tiens et j’essaie d’en être à la hauteur. Comme de mon prénom. Guy était le pseudo de résistant de mon père. C’est son nom de guerre. Tu vois l’ironie du truc. C’est un prénom très difficile à porter. Essayer d’être à la hauteur de ça… ! C’est injouable. 

« Si tu étais un aliment… Tu serais…

Du sucre. Je suis très gourmand donc je cherche quelque chose de précis qui soit à la fois quelque chose que j’aime mais qui soit aussi très sucré pour être honnête avec toi … Du chocolat au lait !!!

« Si tu étais un objet… Tu serais…

Un appareil photo et pourtant je suis techniquement nul ! Je n’y connais absolument rien ! Pour moi c’est un instrument magique ! Lorsque je discute avec des photographes et qu’ils me parlent de la mécanique de leurs appareils, des objectifs, je n’y comprends absolument rien. Je ne conceptualise pas. D’ailleurs c’est un truc qui me poursuit depuis toujours, je ne parviens pas à conceptualiser ce genre de trucs et d’autres, je suis un concret qui se laisse aller à la part d’inexpliqué. Donc c’est une boite magique dont je me sers et puis c’est tout. Je ne sais pas comment elle fonctionne mais finalement est-ce important ?
Pour moi la photo c’est le pouvoir de l’instant présent. Donc en fait… Je serais un polaroïd pour être précis. Je suis un fan absolu de cadrage. J’aime garder les yeux grands ouverts, mes photos sont autant de regards que j’ai portés sur un moment. Immortaliser des situations de vie, des scènes du quotidien. De scènes de plage. Bien sûr il y a de la sociologie là-dedans, on ne se refait pas, c’est ma formation universitaire qui revient par la fenêtre de l’image. Toutefois, j’ai remplacé le bruit par l’image. Je n’ai plus rien à dire mais beaucoup à montrer, à donner aussi, à transmettre. D’où ce carnet de notes dans lequel tu es en train d’écrire. Ce n’est pas un livre de photos de couchers de soleil sursaturées, de plages décolorées par les filtres. Rien n’est trafiqué, fabriqué, mis en scène, c’est un livre de moments observés et pris en flag’ .

Tu vois, il y a sur mon Instagram une photo des deux femmes voilées dans la mer … lorsque j’ai pris ce cliché que j’adore, je ne me suis pas interrogé une seconde sur leur tenue, sur les débats qui agitent certains dans notre pays tous les jours. J’ai vu dans mon objectif deux femmes, deux amies, deux sœurs… heureuses de jouer ensemble dans la mer. Je l’ai publiée. En l’état. Comme ça. Avant j’aurais donné mon avis. Mais pourquoi ? Là je me suis contenté de dire que tout ceux qui abimeraient cette image de bonheur parfait avec leurs commentaires se verraient censurés par leur suppression sans hésitation. Et j’ai supprimé toute tentative de débat … Mon compte Instagram n’est pas un lieu de débat et je n’ai pas envie qu’il le soit et le devienne. ( @guybirenbaum )

 

J’ai été un hyper-connecté, une machine à clics, toujours le nez sur son écran, accro aux réseaux sociaux, à l’info en continu. Je voulais être sur la photo. J’avais envie d’être reconnu. C’était à la limite de la schizophrénie. Ce personnage que je jouais, était devenu moi. Le nombre de like était ma dopamine. Tu sais il y a un truc chimique là-dedans. Au même titre que courir produit de l’endorphine. Le nombre de like, de partages … tout cela envoie des substances à ton cerveau. A force, à l’excès, cela devient une drogue que tu cherches et recherches. J’étais totalement control freak. Je maîtrisais mon image, contrôlais tout … D’ailleurs j’ai couru 7 kilomètres tous les jours pendant sept ans, qu’il pleuve, vente, neige ou sous un soleil de plomb. Il a fallu que je fracasse le mur pour que ça s’arrête.

« Si tu étais unE personnalité, un artiste… Tu serais…

Le génie le plus incroyable de l’Histoire de la Pop : Paul McCartney. Il sait tout faire ! Absolument tout et en toute humilité en plus. Donc lui ou rien.

Cet homme est fascinant et ne peut que susciter l’admiration: à 78 ans, le mec joue 3 heures et boit 2 verres d’eau. C’est Mozart !

Il n’y a même pas de mots pour décrire cet homme là … Un peu de sérieux tu as mieux ?

24 heures avec ?

Lui ! Paul ! Pour trouver les mots justement. Pour mieux apprendre, pour mieux comprendre. Je crois que je filerais tout doux face à lui !

Mais en te répondant je pense à Christophe également. Je l’aimais beaucoup La puissance de ses textes, de ses mots. J’en aurais pleuré ! Mais en principe je ne pleure pas. Jamais. Il était un drôle de personnage, d’une incroyable douceur et d’une sensibilité assumée. Il vivait totalement à l’envers de nous. Lorsque nous nous couchions, il commençait à composer ! Dommage.

« Si tu étais une oeuvre… Tu serais…

The party, le film absurde de Blake Edwards avec Peter Sellers. Je ris bêtement devant ! J’adore ce cinéma anglais totalement décalé, déjanté, ça me fait marrer ! Rien ne me fait plus rire que ça. C’est débile mais j’assume. J’aime le Non Sense.

Dans un autre registre, Lelouch, L’aventure c’est l’aventure … Un peu de british et de la déconne à la française.

« Si tu étais une pièce de la maison… Tu serais…

La chambre. Sur mon lit, je lis, c’est mon cocon, mon lieu de repli. J’adore la sieste.

Forme Libre a pris la liberté, pour clôturer ce portrait, de s’interroger…

Si GUY était unE CITATION, il serait…

« Il n’y a pas d’âge pour réapprendre à vivre. On dirait même qu’on ne fait que ça toute sa vie : repartir, recommencer, respirer à nouveau. Comme si on n’apprenait jamais rien sur l’existence, sauf parfois une caractéristique de soi-même, une endurance, une vaillance, une légèreté. »

Françoise Sagan

 « Révolution: C’est retourner le sablier »

Jean Dubuffet