Farcir la dinde !
« Et bah alors Françoise on en est où de ce magazine ? Ça avance les projets un peu ? Parce que bon, c’est joli les livres mais ça rapporte pas un clou hein ! «
« Je pensais pas que tu connaissais Sagan » « Sa quoi ? Ah non je parlais de Françoise Dolto ! La mère de Carlos ! Tu sais le chanteur de Big Bisous à chemise Hawaïenne ; d’ailleurs ça doit être la mode par chez toi ce genre de chemise ! Ça doit en envoyer des big bisous et se farter le …. «
Non Tonton tu ne finis pas cette phrase !
Non. Définitivement.
Nous sommes le vendredi 24 décembre, mon calendrier de l’Avent a accouché d’un ENORME Kinder Surprise, le 4ème pour être exacte, ce qui annonce le réveillon et … l’indigestion qui va avec.
Si cette année, je me suis dispensée des repas de famille où l’on cherche à m’expliquer que Strauss Kahn est brillant et aurait fait un super Président, « I feel for you » comme on dit et ce matin après m’être réveillée en me dandinant telle Cameron Diaz sur « Heaven must be missing an angel » je me suis demandée comment je pourrai vous aider à farcer votre dinde et supporter les petits fours (et les remarques) trop salés de Tata Gilou.
Alors, petit 1, gavez-vous de magnésium c’est bon pour le moral et ça aide à rester d’humeur constante. Traduction : cela vous évitera de répondre un » et ta rééducation du périnée ça se passe comment ? » lorsque votre cousine vous demandera si l’amour d’un enfant ne vous manque pas passé 30 ans et toujours célibataire. Oui en général ils disent « toujours célibataire » comme si vous l’étiez depuis la nuit des temps et que tic tac tic tac l’horloge biologique était en passe de finir dans le fond d’une impasse. Je compatis. Je vous promets. Mais vraiment, mettre de l’huile sur le feu est inutile. Elle ne fait pas exprès d’être passive agressive la cousine, elle pense sincèrement, s’intéresser à vous ce faisant.
Du coup je me suis dit que dresser une liste de sujets de discussions un peu neutres et pas conflictuels vous aiderait à passer au moins le réveillon avec vos congénères et leurs progénitures.
ET ZE PARTIIIIII
Evidemment, on évite les discussions sur le COVID et les pronostics sur les mesures à venir, les débats « reconfinement pas reconfinement ? ». Point. (Clairement vous ce soir qui allez passer le réveillon avec moi, vous commencez votre phrase par un « tu crois qu’après Noel et blablabla » je vous étouffe avec mes petits fours à la rillette de fruits de mer maison. Vous êtes prévenus. Si non je considèrerai que vous ne lisez pas mes textes et clairement on va s’engueuler avant même la première partie de Time’s up)
On évite aussi tout sujet politique : Le mot Zemmour me fait le même effet en bouche qu’une buche génoise roulée trop sèche (rapport au manque de chocolat noir dans la recette – mauvaise vanne ? J’avoue.) et savoir si Taubira Taubira pas … bah on le saura bien assez tôt et c’est pas le petit bonhomme en rouge qui nous le dira.
On évite aussi tout sujet catégorisant : le féminisme, l’homosexualité, l’écologie, le véganisme (Sérieusement frère arrête d’attaquer ta première tranche de foi gras chaque année avec cette même blague « à la santé des vegan » c’est lourd) et pour les basques on évite aussi toute discussion autour du logement et des airbnb.
On parle de quoi alors ?
Alors pas exemple parlez sport ! En général, ça peut créer une discussion assez animée mais même si vous n’aurez pas forcément le même maillot vous aurez la même passion et puis un bon plaquage en règle pour clôturer un débat ca met un peu d’animation et ça reste « bon enfant » comme on dit communément.
« Mel c’est un coup à glisser sur le scandale Yannick Agnel » « Mais commence pas toi aussiiiiiiii! Suffit de pas parler natation » « un footballeur vient d’être accusé de viol » « hmmm … ok on supprime le sport des sujets ? » « bah euhhh … je sais pas mais si tonton balance un « faut séparer le violeur de l’artiste » simplement parce que le mec sait faire 140 jongles c’est un coup à dévisser » … True. Autre sujet.
Parlons art : photo, ciné, bouquin… mais ici attention soyez TRES attentif, commencez par un « Avez-vous lu le dernier de Sophie Fontanel ‘Capitale de la douceur’ » histoire de camper le décor de la bienveillance dans la romance et de rester sur des merveilles de bonbon à partager encore et encore. Niveau photo, vous pouvez parler de Thomas Lodin, Clément Brelet, Claudia Lederer, de ces gens de talents qui font l’unanimité. Puis vous passerez pour quelqu’un de cultiver. Ca impressionnera votre cousin dans la finance de marché qui y verra surement un placement sur niche fiscal à faire mais comme ces trois artistes sont des copains ça fera leur affaire aussi et tout le monde est content à la fin.
Ne parlez pas carrière hein d’ailleurs ! C’est un coup à vous prendre le burn-out de votre tante en pleine face, les envies de reconversion en fermier fromager de votre petit cousin (le sujet est sympa mais vous finirez par être un briseur de rêve en lui disant que ce projet n’est pas viable) et la lutte anti-capitaliste de votre nièce (vous pouvez être fier-e d’elle mais quand elle dira qu’il faut tirer une balle dans la tête des extrémistes de la marge brut vous finirez là encore par lui répondre que c’est une autre forme d’extrémisme et … bref vous avez compris). Ne parlez pas argent non plus. Surtout pas. La radinerie est aussi agaçante que la mesquinerie et le champ lexical pourrait rapidement tourner vers « prolétaire » « fonctionnaire » ou alors on vous dressera la liste des prix des cadeaux et des produits sur la table histoire de vous faire comprendre que vous êtes BIIIIIIEEENNNN reçus et … pffffff voilà ça m’a déjà soulée « Franchement tu sais quoi des pates au beurre et un collier de nouille ça me fait mon Noël si ça peut m’éviter d’entendre à quel point tu es généreux » ; et merde. Voila. Pardon chef, j’ai glissé.
Ma petite sœur cœur de beurre Marie me dit « Faut parler d’amour à Noël » … ha ha ha … OU PAS. Je t’aime toi mais vraiment trop pas.
Même parler d’amitié c’est tendu parce que vous n’êtes pas à l’abri de blesser (oui parce que vous pouvez être maladroit vous aussi) une personne autour de la table qui se sent peut-être très seule.
« Et bah dis leur de parler de cul » Merci Simon !!! En voilà une bonne idée ! Parlez cru, faites vous un diner (ré)jouissance club et finissez en queuleuleu des familles « c’est la chenille qui redémaaaaaaarre » – d’ailleurs, je crois que je vais écrire un article sur le sujet. Allez tiens un article SEX ça vous chauffe ?
Ah mais je n’ai pas encore parler de musique ! C’est toujours cool de parler de musique et puis ça permet de lancer un petit blind test un peu sympa qui fait marrer la galerie ! (Ju, s’il te prend l’envie de me dire « si c’est pour que tu parles de ta musique de cabinet d’osthéo … » sache que c’est du Chopin que j’écoute le soir !)
Et pour boucler ce blind test, n’hésitez pas à vous envoyer un bon « c’est la fête » de Disney et puis, en bon français, tapez-vous la galantine en parlant gastronomie et terroir ! Ca mange pas de pain et ça fait du bien et puis surtout … REGALEZ-VOUS !
REGALEZ-VOUS & AIMEZ-VOUS & CALINEZ-VOUS !
De la tendresse bordel.
Nous on avons cruellement besoin.
Et puis à chaque instant ce soir, si vous vous sentez seul, insuffisant, mal dans vos pompes, pas aligné ou pas à votre place, si vous vous sentez triste, si quelqu’un vous manque, si la peine est rude ce soir plus encore que d’habitude … n’hésitez pas à nous écrire ici sur Forme Libre, on se fera un plaisir de vous envoyer deux trois blagues pour vous redonner le sourire ou de vous acceuillir si vous êtes dans les parages. Vous n’êtes pas seul. Promis. On pense à vous. Moi en tout cas, je pense à vous tous le cœur gros.
Et souvenez-vous :
Votre petit quelque chose est dans ce petit je ne sais quoi de bienveillance, d’écoute, de façon de voir les choses, les gens, la vie, elle est dans votre capacité à vous relever, à avancer, à tenir debout. Votre particularité c’est votre ordinaire originalité, votre grain de folie, votre positivité, votre joie de vivre, votre caractère. Vos maladresses aussi, vos valeurs et votre grand cœur. Elle est dans votre ambition, vos passions dans tout ce qui vous définit et fait votre authenticité. Elle est dans votre sourire. A vous.
Vous êtes assez, ni plus ni moins que quelqu’un, que qui que ce soit, même de votre frère médecin avec Porsche cayenne maison et bambins, même si Papa met la barre haute, même si maman veut absolument des petits enfants, même si votre ex vous a lourdé, même si votre patron vous fait dévisser, même si vos projets mettent du temps à décoller. Vous êtes assez. Vous êtes vous. Unique. Authentique. Votre propre AOC.