Ce matin je discutais avec un ami que j’aime beaucoup, souvent je dis qu’il est mon ange gardien. Il est de ceux qui font du bien, qui ont le mot juste et le cœur sur la main.
Il me parlait de la vie, de son quotidien et puis … une phrase a claqué « Tu vois toi & moi nous sommes trop gentils »
Pour la première fois de notre amitié, je l’ai contredit.

Souvent, je dis que nous sommes des portiers sur le seuil de notre maison. Nous accueillons. En fonction de la relation, du sens que nous voulons y donner, de la place que nous lui souhaitons dans notre vie, nous invitons cette personne à entrer dans le salon, la cuisine, la salle-à-manger … la chambre … Parfois nous la laissons même laisser une brosse à dents dans la salle de bain, une paire de chaussettes… Qu’importe la pièce ou la place, nous sommes les hôtes de cette décision dans notre maison.

Parfois, les gens restent. Parfois, ils partent. Souvent, ils finissent par partir.

Dans ce cas, il ne faut pas les retenir ou courir après. Il faut accepter et rester là, soi, sur le pas de la porte … et la laisser ouverte.
Se mettre carpette, se compromettre n’empêchera pas celle ou celui qui l’a décidé de poursuivre son chemin, de vous lâcher la main.
Passer la balayette sous le paillasson pour effacer les souvenirs, intérioriser les émotions ne vous empêchera pas de souffrir du manque de ce quelqu’un.
Quant à la réaction première de vouloir fermer la porte, toutes les portes … elle est … humaine mais idiote. Nous ne sommes pas fait pour vivre seul-es dans nos maisonnées.

 » Lorsque les gens partent tu ne les retiens pas, tu ne fermes pas la porte. Lorsqu’ils reviennent tu accueilles, encore une fois, et tu décides à nouveau de les inviter dans la pièce de ton choix. Cette pièce peut être la même que précédemment ou l’invitation peut être différente. Rien n’est jamais acquis et personne ne peut se prévaloir d’un acquet, d’une place attribuée, sur ton canapé. C’est à toi de décider. A chaque fois. Sans oublier que ne pas fermer la porte ne signifie pas autoriser quelqu’un à entrer quand on ne le souhaite pas, ou plus. Le paillasson est une pièce de la maison. C’est à toi de choisir qui est autorisé à s’y essuyer les pieds. Ta maison n’est pas un saloon ou un cirque du soleil ouvert à n’importe quel-le clown. Tu as le droit, en tant que portier d’être souriant toujours dans l’accueil mais de laisser la personne à l’extérieur. « 

Je sais que pour beaucoup les au-revoir sonnent comme des séparations, ils arrachent le cœur comme autant de souvenirs d’abandon qui brulent de l’intérieur. Ces blessures laissent des fêlures et poussent à être radical, à claquer les portes, fermer les fenêtres mais … ne sont-ce pas là seulement nos peurs qui parlent ?
Celles de l’abandon, du rejet, de la trahison ?

Si je vous partage cette métaphore ce matin c’est parce qu’elle a changé ma vie. D’abord elle m’a appris à être dans l’accueil et non dans la dépendance. J’ai appris à être libre tout en étant membre d’un groupe, d’une équipe, d’un couple … Ensuite, en devenant portière j’ai appris à ne plus être dans le rejet mais à dire OUI sans peur de me blesser.

Oui parce qu’il ne faut pas oublier que si nous sommes hôtes en et chez nous, nous sommes aussi des invités … chez les autres. Dire oui c’est alors ne pas claquer la porte au nez de quelqu’un, ne pas le rejeter, par peur de se faire recaler.

L’art de recevoir et de donner est une question de réciprocité.

Je reconnais que je suis de celle qui préfère être hôte, mais récemment quelqu’un m’a appris qu’il était agréable de se laisser inviter : d’abord au restaurant puis à laisser une brosse à dents… La vie à deux ou à plusieurs c’est la vie en mieux, c’est le bonheur !
Il faut savoir en profiter, le savourer, vivre ses moments. Au présent sans penser ni à hier qui est déjà trop tard ; ni à demain qui est illusoire.
Il faut se dire que les nouveaux participants à la fête ne sont pas les mêmes têtes que dans le passé et ils et elles n’ont pas à payer les pots cassés.
Il faut se répéter qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait et qu’on ne peut pas l’anticiper, se dire que chercher à se protéger c’est finalement encourager le passé à se reproduire et s’isoler.

Je crois que prendre conscience que nous sommes les hôtes de nos chez soi c’est aussi gagner en confiance et devenir un bon invité. C’est être libre en soi et respecter la liberté des autres. C’est choisir ce qui est bon pour nous et ne pas décider à la place de quelqu’un de ce qui est bon ou bien pour lui. C’est être là et laisser les autres faire le choix d’y être … ou pas.

Etre un bon invité c’est également réaliser que nous sommes responsables de la place que nous avons chez les autres. Celle que l’on a prise et que l’on nous a donné. Il faut savoir en être digne et assumer. Bien sûr nous conservons la liberté de partir ou de rester mais soigner sa sortie c’est respecter l’invitation qui nous a été initialement donnée. Autrement dit, on ne laisse pas une chaussette trainer dans l’escalier, on prend le soin de la ramasser pour ne pas prendre le risque que l’autre ne glisse dessus, se ramasse et ne les dévale ; les escaliers …

Je l’ai souvent dit ici mais « The way you make people feel about themselves tells a lot about you » (traduction: La façon dont vous faites se sentir les gens à leur propre sujet en dit long sur vous) Sans oublier que souvent nous sommes l’énergie que nous souhaitons attirer. Sans parler du Karma qui risque de se charger de vous.

 » – Ok Mel mais si l’autre dit non alors qu’elle a fait en sorte que je dise oui. Il n’y a plus d’effet miroir et moi, j’ai l’air d’un con face à ma glace après avoir pris une porte dans la face

– I feel you frère ! Je sais comme ça fait mal … Comme ça butte … Mais cela revient à ce que je dis : Si quelqu’un dit non alors qu’il ou elle a demandé de dire oui, alors c’est un mauvais videur de boite de nuit. Et je dis bien de nuit : c’est que cette personne a décidé de choisir l’ombre plutôt que le soleil, le rejet plutôt que l’accueil. L’isolement est une forme de fuite mais beaucoup ne savent pas faire autrement. La solitude est une habitude quand tu n’as pas été habitué aux sentiments ; Tu n’y es pour rien, tu ne peux rien faire, il ne te reste qu’à partir …
– Même si ça veut dire souffrir ? Même si ça veut dire abandonner ? Quitter la partie ? Ne pas se battre pour ce qui compte, ce qui fait battre le cœur ? T’as pas l’impression de renoncer quand tu fais ça ?
– Partir fait du mal aux sentiments mais ça peut quand même faire un beau geste … pour l’autre, c’est lui laisser de l’espace, du temps …
– … Sauf si l’autre ment Mel !
– Tu peux te battre pour quelqu’un, avec quelqu’un mais tu ne peux pas te battre contre quelqu’un … Si l’autre ment alors il / elle te trahit mais surtout il / elle SE trahit …
– Alors je fais quoi ?
– N’abandonne rien n’y personne, surtout pas toi, ni qui tu es mais lâche prise. Tu n’es plus invité, redeviens hôte : Tu te remets sur le pas de ta porte, solide sur les appuis, tu ne fermes pas la porte, si l’autre veut revenir elle reviendra et t’expliquera. A ce moment là, tu feras ton choix : comprendre, pardonner, acceuillir, accepter ; ou pas … et en attendant, tu seras toujours bienvenu chez moi pour partager la tristesse, l’ivresse, les doutes, les peines et les joies.
– T’es trop gentille !
– Tu commences à me faire chier ! ON N’EST JAMAIS TROP !!!! OK ??? « 

Message personnel :
Je remercie tous ceux qui m’ont trahie, abandonnée, rejetée … vous m’avez rendu fière & libre. En ça, Freud remercierait mon père (et tous ceux qui lui ont ressemblé dans ma vie). Mais je remercie surtout tous ceux qui sont restés, vous m’avez appris l’amour et l’amitié, la joie et la générosité. En ça, Freud remercierait ma mère. La pro de la politique de la porte ouverte !